I- faut-il prier Dieu ?
Le Seigneur dit (Luc 18, 1) : « Il faut prier toujours, sans se lasser. ». Les anciens ont commis, touchant la prière, trois sortes d'erreurs. Les uns ont soutenu que les affaires humaines ne dépendent pas de la providence divine. D'où l'inutilité de la prière et de tout culte religieux. C'est à eux que s'applique cette apostrophe de Malachie (3, 14) : « Vous avez dit: c'est vanité que servir Dieu. » Pour d'autres, tout, même les choses humaines, se produit de façon nécessaire, qu'on l'explique par l'immutabilité de la Providence, les influences astrales ou l'enchaînement des causes. Ceux-là aussi nient l'utilité de la prière. D'autres enfin admettent bien que les choses humaines, régies par la providence divine, ne se produisent pas de façon nécessaire. Mais ils disent que la providence divine peut varier dans ses dispositions, et que les prières et autres pratiques cultuelles peuvent changer quelque chose à l'ordre établi par elle. Toutes ces erreurs ont été réfutées dans notre première Partie 1. Il nous faut donc présenter l'utilité de la prière mais ne pas imposer une nécessité quelconque aux choses humaines soumises à la Providence, et ne pas non plus estimer que l'ordre établi par Dieu puisse changer.
Pour le voir clairement, il faut considérer que la providence divine ne se borne pas à établir que tel ou tel effet sera produit; elle détermine aussi en vertu de quelles causes et dans quel ordre il le sera. Or l'activité humaine est efficace et nous pouvons la mettre au rang des causes. Aussi faut-il que l'homme agisse non pour que ses actes changent le plan divin, mais pour qu'ils réalisent certains effets conformément à l'ordre établi par Dieu. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans la causalité naturelle; et il en est de même pour la prière. Nous ne prions pas pour changer l'ordre établi par Dieu, mais pour obtenir ce que Dieu a décidé d'accomplir par le moyen des prières des saints. Si bien que « par leurs demandes, les hommes méritent de recevoir ce que le Dieu tout-puissant, dès avant les siècles, a résolu de leur donner », dit S. Grégoire.
1. Si nous adressons des prières à Dieu, ce n'est pas parce qu'il faudrait lui faire connaître nos besoins ou nos désirs; c'est pour que nous envisagions nous-mêmes qu'en pareil cas on doit recourir au secours de Dieu.
2. Notre prière, on vient de le dire, n'a pas pour but de changer le plan de Dieu, mais d'obtenir par nos prières ce qu'il a décidé de nous donner.
3. Dieu, dans sa libéralité, nous accorde bien des choses sans même que nous les lui demandions. Mais s'il exige en certains cas notre prière, c'est que cela nous est utile. Cela nous vaut l'assurance de pouvoir recourir à lui, et nous fait reconnaître en lui l'auteur de nos biens. D'où ces paroles de Chrysostome : « Considère quel bonheur t'est accordé, quelle gloire est ton partage: voilà que tu peux converser avec Dieu par tes prières, dialoguer avec le Christ, souhaiter ce que tu veux, demander ce que tu désires ».