Le rôle oublié des femmes dans l’Eglise chrétienne primitive
Les femmes occupent une place particulière dans la première révélation du message du Christ
Elles offrent le témoignage d’une fidélité à toute épreuve, que l’on ne retrouve pas toujours chez les disciples de Jésus. Parfois nommées, souvent anonymes, ces femmes ont suivi Jésus de ville en ville tout au long de son ministère. Les évangiles les montrent présentes au pied de la croix, faisant passer leur fidélité au Christ avant leur réputation ou leur vie. Certes, aucune de ces « femmes qui suivirent Jésus », comme les appellent les évangiles, n’est appelée un apôtre. Cela ne les empêche pas d’être des relais de la foi. Les évangiles montrent qu’elles ont confessé plus facilement leur foi que les hommes et que le Christ n’a pas hésité à leur dévoiler le cœur de son message. C’est « la Samaritaine », une femme adultère et une païenne, qui a reçu les paroles de l’eau jaillissante de la vie éternelle (Jean 4,14). Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, représentent des modèles de conduite et de confiance en Dieu (Luc 10,38-42 et Jean 11,17-44). Marie de Magdala, enfin, dans l’évangile de saint Jean (20,11-18), a été le témoin privilégié de la Résurrection du Christ, événement sur lequel repose toute la foi chrétienne !
Le Christ a traité ces femmes de manière très libre, en ignorant bien des conventions sociales de son époque
Ainsi, il a ignoré la condamnation d’impureté pesant sur l’écoulement de sang féminin, lorsqu’il s’est laissé toucher par une femme malade d’un flux de sang depuis dix ans (Luc 8,43-48). Même mépris des conventions sociales dans sa rencontre avec la Samaritaine : une païenne, et une femme de mauvaise vie, l’interlocutrice de Jésus était exclue de la bonne société juive de l’époque.
Les femmes jouèrent également un rôle central dans la constitution des premières communautés chrétiennes
Les Actes des apôtres (16,13-15 ; 17,4) rapportent leurs conversions, témoignant de leur rôle de ferment du christianisme dans les sociétés juives ou païennes. Ces femmes remplissaient aussi des fonctions concrètes d’apostolat et de formation des nouveaux venus dans la jeune Église. Indépendantes financièrement, elles disposaient d’une grande liberté d’action et de parole et ont accueilli et protégé les communautés chrétiennes naissantes. Paul de Tarse nous fait ainsi connaître une certaine Phébée, exerçant le ministère de diaconesse, soit de diacre, près de Corinthe. Phébée apparaît comme l’égale des ministres masculins qui entouraient saint Paul et coopéraient. Il recommande d’obéir à cet femme, en disant le respect et la confiance qu’elle lui inspire (Romains 16,1-2). Avec saint Pierre, c’est une autre femme, Tabitha, qui apparaît Elle est nommée mathetria, « disciple », pour avoir aidé l’Église par ses œuvres de charité (Actes des apôtres 9,36-42).
De nombreux écrits témoignent de l’influence des femmes dans l’Église naissante
Sans parler des modèles de courage et de vertu que représentent les premières martyres (Blandine, Agnès,Félicité, Perpétue)
Félicité et Perpétue comptent parmi plus belles figures de l’histoire des martyrs. L’une est une jeune esclave qui enfanta dans sa prison, l’autre une jeune patricienne qui allaitait son enfant. Toutes deux furent livrées aux bêtes du cirque en 203 sous Septime Sévère. Le récit de Perpétue est le premier témoignage d’une femme écrit à la première personne. Dans A.G. Hamman, Les premiers martyrs de l’Église , Desclée de Brouwer 1979,coll. Les Pères dans la foi, p. 70-85.
il convient de mentionner la fonction moins connue des femmes diacres auprès des autres femmes dans les communautés chrétiennes, principalement en Orient, ou encore l’action spirituelle et caritative des veuves, en Occident comme en Orient. Enfin, certaines femmes laïques participèrent activement à la vie de l’Église par le biais de dons généreux, qui finançaient des sanctuaires, permettaient l’affranchissement d’esclaves et leur valaient la reconnaissance du clergé.
Les textes chrétiens sont les seuls dans l’Antiquité à parler autant de femmes et à leur accorder une telle place
En contraste avec des appréciations positives, certaines déclarations des premiers auteurs chrétiens, à commencer par saint Paul, sont relativement sévères pour les femmes Il ne peut être ici question d’entrer dans l’exégèse des épîtres de saint Paul. Il faut d’abord faire la part de la mentalité méditerranéenne de l’époque, dans laquelle les femmes étaient généralement jugées inférieures. Mais sur cette toile de fond, il convient de reconnaître que les textes chrétiens de l’Antiquité sont les seuls à parler autant de la femme et à lui accorder une telle place : i suffit de les comparer avec ceux des auteurs païens et juifs de même culture.
S’ils ont pu justifier des accusations de misogynie, les textes de saint Paul fondent aussi une vision forte du couple, construit sur l’égale dignité de l’homme et de la femme
Il est pour le moins difficile de faire émerger une position, et une seule, de tous les textes des auteurs sacrés au sujet des femmes. Certaines épîtres de saint Paul apparaissent un peu contradictoires : par exemple, son adresse à Timothée sur la soumission et le silence des femmes (1 Timothée 11,9-15) tranche avec la reconnaissance de leur participation aux assemblées dans la Première épître aux Corinthiens (11,3-16). D’autres déclarations doivent être replacées dans leur contexte et correctement interprétées. La même épître aux Corinthiens, qui déclare que l’homme est le chef de la femme, fait moins l’apologie de la soumission de la femme à l’homme qu’elle ne présente un parallèle mystique entre le couple humain et l’union du Christ et de son Église. Une déclaration du même type que l’on trouve dans la lettre aux Éphésiens ne doit pas être détachée du reste de l’épître, qui loue la commune vocation de l’homme et de la femme à « suivre l’amour à l’exemple du Christ », dans une soumission mutuelle (Éphésiens 5,21). Ambigus, ces textes ont pu servir de prétexte à des comportements misogynes de la part de certains chrétiens. Force est cependant de constater qu’ils fondèrent aussi une vision du couple construit sur l’égale dignité de l’homme et de la femme.