Au mois d’avril 1794, il ne restait pas en France 150 paroisses où l’on disait publiquement la messe.
Extrait du livre co-écrit par le P. Michel Viot et Odon Lafontaine, La Laïcité, mère porteuse de l’islam ?
Préfacé par Rémi Brague, pour mettre en perspective ce qui nous arrive aujourd’hui, et affirmer que, , la messe fut bel et bien interdite sous la Terreur. Le P. Viot y fit d’ailleurs référence lors de son allocution du 13 novembre, devant l’église Saint Sulpice.
La Révolution montra sous peu son vrai visage d’intolérance et d’hostilité mortelle au christianisme lorsque la monarchie constitutionnelle fut renversée (10 août 1792, avec l’assaut de la Commune de Paris contre les Tuileries). Sans le veto du roi, plus rien ne retenait les révolutionnaires. La politique de déchristianisation, déjà engagée, prit un tour de plus en plus violent et sanglant particulièrement tout au long de la Terreur, sous la conduite de la Commune de Paris et des représentants en mission de la Convention dans toute la France. On cherchait en fait à éradiquer le christianisme, même fidèle à la Révolution. On supprima les ordres religieux et l’on chassa les moines et religieuses de leurs bâtiments (à partir de 1790), on abolit le calendrier chrétien, on désaffecta des milliers d’églises[1], puis on les ferma toutes ou presque, on les livra pour beaucoup d’entre elles au pillage, aux profanations et destructions iconoclastes (mobilier, statues, clochers, autodafés de livres et objets du culte), on força les prêtres à se marier et l’on se lança dans des campagnes massives de persécutions et de massacre des prêtres réfractaires, qui, au plus fort de la frénésie, touchèrent aussi les prêtres jureurs[2]. De facto, le culte catholique se voyait interdit peu à peu à partir de l’hiver 1793, selon les territoires, jusque Thermidor (été 1794) au moins. « Au mois d’avril 1794, il ne restait pas en France cent cinquante paroisses où l’on disait publiquement la messe »[3]. Alors même que Robespierre faisait décréter hypocritement la « liberté des cultes » par la Convention[4], ses émissaires « fermaient toutes les églises et chapelles ; les représentants en mission emprisonnaient, guillotinaient, noyaient, ou mitraillaient sur tous les points du territoire les prêtres qui refusaient de se marier et d’apostasier ; quiconque se permettait de réclamer l’application de la loi était immédiatement traité comme un suspect [selon la loi des suspects, donc], comme un agent de Pitt et Cobourg [agents de l’ennemi étranger, anglais ou autrichien] ou comme un complice de la Vendée »[5]. Par contagion, ces exactions touchèrent aussi, à des degrés divers, les cultes protestants et juifs. Elles n’en dressèrent que davantage les Vendéens ou les Européens coalisés à qui la Convention avait déclaré la guerre.
On jette aujourd’hui, et depuis fort longtemps, un voile pudique sur l’ampleur de cette politique d’État de terrorisme antichrétien, évoquée superficiellement pour l’englober le plus souvent dans les justifications de la Terreur comme réaction légitime de la Révolution contre les périls qui la menaçaient[6]. La déchristianisation révolutionnaire est un tabou de l’histoire de France, caché par les historiens de la mythologie progressiste dans cet autre tabou de la Terreur. Ils contredisent frontalement dans toute leur abomination la légende de la Révolution menée par le peuple français au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité.
[1] Fermetures que l’on justifia initialement par la redéfinition arbitraire des circonscriptions des paroisses, qui en supprima des milliers. Les biens de l’Église ayant déjà été saisis au début de la Révolution, de nombreux édifices de culte furent ainsi vendus.
[2] La Convention décida les 21 et 23 avril 1793 que tous les réfractaires devaient être déportés en Guyane, ainsi que tous les prêtres dénoncés pour incivisme. Dans les faits, au plus fort de la furie révolutionnaire, ils étaient le plus souvent exécutés. Cf. Augustin Gazier, Etudes sur l’histoire religieuse de la Révolution française, Armand Colin, 1887 ; on se référera à cet auteur et aussi à Alfred Fierro, Jean Tulard, de l’Institut, et Jean-François Fayard pour leur Histoire et dictionnaire de la Révolution française : 1789-1799 (Robert Laffont, 1998, à l’article « déchristianisation »), ainsi qu’à Pierre de la Gorce, de l’Académie Française (Les massacres de prêtres sous la Révolution, 1792-1793, Flammarion, 1934) pour davantage de détails sur la politique de déchristianisation de la Révolution.
[3] Augustin Gazier, op. cit. pp. 217-218.
[4] « Décret relatif à la liberté de culte (n°432 du 16-18 frimaire an II – 6-8 décembre 1793) : 1) Toutes violences et mesures contraires à la liberté des cultes sont défendues. 2) La surveillance des autorités constituées et l’action de la force publique se renfermeront à cet égard, chacun pour ce qui le concerne, dans les mesures de police et de sûreté publique. 3) La Convention par les dispositions précédentes n’entend déroger en aucune manière aux lois ni aux précautions de salut public contre les prêtres réfractaires ou turbulents, ou contre tous ceux qui tenteraient d’abuser du prétexte de religion pour compromettre la cause de la liberté. »
[5] Augustin Gazier, op. cit. p. 225
[6] Patrice Gueniffey, en particulier, a montré qu’il n’en était rien, que la guerre intérieure comme extérieure résultait de la politique terroriste, et non l’inverse, et que la Terreur, initiée dès 1789, a été utilisée comme moyen de gouvernement à partir de 1791 puis comme fondement même du régime (La politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794, Fayard, 2000).