La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l'humanité à son très affectueux Sauveur. Ce serait assurément le devoir des catholiques de préparer et de hâter ce retour par une action diligente; mais il se fait que beaucoup d'entre eux ne possèdent pas dans la société le rang ou l'autorité qui siérait aux apologistes de la vérité. Peut-être faut-il attribuer ce désavantage à l'indolence ou à la timidité des bons; ils s'abstiennent de résister ou ne le font que mollement; les adversaires de l'Eglise en retirent fatalement un surcroît de prétentions et d'audace. Mais du jour où l'ensemble des fidèles comprendront qu'il leur faut combattre, vaillamment et sans relâche, sous les étendards du Christ-Roi, le feu de l'apostolat enflammera les cœurs, tous travailleront à réconcilier avec leur Seigneur les âmes qui l'ignorent ou qui l'ont abandonné, tous s'efforceront de maintenir inviolés ses droits. Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l'honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu'a engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d'un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.
Ajoutons que, depuis les dernières années du siècle écoulé, les voies furent merveilleusement préparées à l'institution de cette fête.
Chacun connaît les arguments savants, les considérations lumineuses, apportés en faveur de cette dévotion par une foule d'ouvrages édités dans les langues les plus diverses et sur tous les points de l'univers. Chacun sait que l'autorité et la souveraineté du Christ ont déjà été reconnues par la pieuse coutume de familles, presque innombrables, se vouant et se consacrant au Sacré Cœur de Jésus. Et non seulement des familles, mais des Etats et des royaumes ont observé cette pratique. Bien plus, sur l'initiative et sous la direction de Léon XIII, le genre humain tout entier fut consacré à ce divin Cœur, au cours de l'Année sainte 1900.
Nous ne saurions passer sous silence les Congrès eucharistiques, que notre époque a vus se multiplier en si grand nombre. Ils ont servi merveilleusement la cause de la proclamation solennelle de la royauté du Christ sur la société humaine. Par des conférences tenues dans leurs assemblées, par des sermons prononcés dans les églises, par des expositions publiques et des adorations en commun du Saint Sacrement, par des processions grandioses, ces Congrès, réunis dans le but d'offrir à la vénération et aux hommages des populations d'un diocèse, d'une province, d'une nation, ou même du monde entier, le Christ-Roi se cachant sous les voiles eucharistiques, célèbrent le Christ comme le Roi que les hommes ont reçu de Dieu. Ce Jésus, que les impies ont refusé de recevoir quand il vint en son royaume, on peut dire, en toute vérité, que le peuple chrétien, mû par une inspiration divine, va l'arracher au silence et, pour ainsi dire, à l'obscurité des temples, pour le conduire, tel un triomphateur, par les rues des grandes villes et le rétablir dans tous les droits de sa royauté.
Pour l'exécution de Notre dessein, dont Nous venons de vous entretenir, l'Année sainte qui s'achève offre une occasion favorable entre toutes. Elle vient de rappeler à l'esprit et au cœur des fidèles ces biens célestes qui dépassent tout sentiment naturel; dans son infinie bonté, Dieu a enrichi les uns, à nouveau, du don de sa grâce ; il a affermi les autres dans la bonne voie, en leur accordant une ardeur nouvelle pour rechercher des dons plus parfaits. Que Nous prêtions donc attention aux nombreuses suppliques qui Nous ont été adressées, ou que Nous considérions les événements qui marquèrent l'année du grand Jubilé, Nous avons certes bien des raisons de penser que le jour est venu pour Nous de prononcer la sentence si attendue de tous: le Christ sera honoré par une fête propre et spéciale comme Roi de tout le genre humain.
Durant cette année, en effet, comme Nous l'avons remarqué au début de cette Lettre, ce Roi divin, vraiment " admirable en ses Saints ", a été " magnifiquement glorifié " par l'élévation aux honneurs de la sainteté d'un nouveau groupe de ses soldats; durant cette année, une exposition extraordinaire a, en quelque sorte, montré à tout le monde les travaux des hérauts de l'Evangile, et tous ont pu admirer les victoires remportées par ces champions du Christ pour l'extension de son royaume; durant cette année, enfin, Nous avons commémoré, avec le centenaire du Concile de Nicée, la glorification, contre ses négateurs, de la consubstantialité du Verbe Incarné avec le Père, dogme sur lequel s'appuie, comme sur son fondement, la royauté universelle du Christ.
En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi.
Nous ordonnons qu'elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d'octobre, c'est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Cœur de Jésus, consécration dont Notre Prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné le renouvellement annuel. Toutefois, pour cette année, Nous voulons que cette rénovation soit faite le 31 de ce mois.
En ce jour, Nous célébrerons la messe pontificale en l'honneur du Christ-Roi et Nous ferons prononcer en Notre présence cette consécration. Nous ne croyons pas pouvoir mieux et plus heureusement terminer l'Année sainte ni témoigner plus éloquemment au Christ, " Roi immortel des siècles ", Notre reconnaissance - comme celle de tout l'univers catholique, dont Nous Nous faisons aussi l'interprète - pour les bienfaits accordés en cette période de grâce à Nous-même, à l'Église et à toute la catholicité.
Il est inutile, Vénérables Frères, de vous expliquer longuement pourquoi Nous avons institué une fête du Christ-Roi distincte des autres solennités qui font ressortir et glorifient, dans une certaine mesure, sa dignité royale. Il suffit pourtant d'observer que, si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ comme objet matériel, suivant l'expression consacrée par les théologiens, cependant leur objet formel n'est d'aucune façon, soit en fait, soit dans les termes, la royauté du Christ.
En fixant la fête un dimanche, Nous avons voulu que le clergé ne fût pas seul à rendre ses hommages au divin Roi par la célébration du Saint Sacrifice et la récitation de l'Office, mais que le peuple, dégagé de ses occupations habituelles et animé d'une joie sainte, pût donner un témoignage éclatant de son obéissance au Christ comme à son Maître et à son Souverain. Enfin, plus que tout autre, le dernier dimanche d'octobre Nous a paru désigné pour cette solennité: il clôt à peu près le cycle de l'année liturgique; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours de l'année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la Liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe, en tous les Saints et tous les élus.
Il est de votre devoir, Vénérables Frères, comme de votre ressort, de faire précéder la fête annuelle par une série d'instructions données, en des jours déterminés, dans chaque paroisse. Le peuple sera instruit et renseigné exactement sur la nature, la signification et l'importance de cette fête; les fidèles régleront dès lors et organiseront leur vie de manière à la rendre digne de sujets loyalement et amoureusement soumis à la souveraineté du divin Roi