L'image parfaite de la simplicité de Dieu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
L'image la plus pure et la plus haute qui nous ait été donnée de la simplicité divine est la sainteté de Jésus, qui contient comme fondues ensemble les vertus en apparence les plus opposées.
Rappelons-nous sa simplicité à l'égard de ses adversaires, à l'égard de son Père, à l'égard des âmes.
Il peut dire aux pharisiens qui cherchent à le tuer, et dire sans que personne le contredise : « Qui de vous m'accusera de péché ? » Joan., VIII, 46. Rappelons-nous sa sainte indignation contre leur duplicité : « Malheur à vous, hypocrites, qui fermez aux hommes la porte du royaume des cieux; vous n'y entrez pas et vous ne permettez pas aux autres d'y entrer. Malheur à vous, guides aveugles..., vous êtes comme des sépulcres blanchis, qui au dehors paraissent beaux, mais au dedans sont pleins de pourriture ».
A l'égard de son Père : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé... J'accomplis toujours ce qui lui plaît... J'honore mon Père et ce n'est pas la gloire que je cherche ». Joan., IV, 34; VIII, 50.
« Père, s'il est possible que ce calice s'éloigne de moi, mais que votre volonté soit faite, non la mienne. » Matth., XXVI, 42. « Père, je remets mon âme entre vos mains... Tout est consommé ». (Luc, XXIII, 46; Jean, XIX, 30.)
A l'égard des fidèles; « Recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos de vos âmes ». Il a une telle simplicité, qu'il peut parler et lui seul peut parler de sa propre humilité sans la perdre.
Il est le bon pasteur des âmes, qui va de préférence vers les pauvres, les infirmes, les affligés, les petits enfants, et aussi vers les pécheurs pour les ramener.
Et c'est le bon pasteur qui donne simplement sa vie pour ses brebis, en priant pour ses bourreaux, et en disant au bon larron : « Tu seras avec moi, ce soir, en Paradis ».
Ce qui est surtout étonnant dans la simplicité de Jésus, c'est qu'elle unit en elle les vertus en apparence les plus opposées, et portées chacune au suprême degré.
En lui se concilient simplement la sainte rigueur de la justice à l'égard des pharisiens hypocrites et l'immense miséricorde à l'égard de toutes les âmes dont il est le Pasteur; et la rigueur de la justice reste subordonnée à l'Amour du bien, dont elle procède.
En lui se concilient aussi de la façon la plus simple, la plus profonde humilité et la plus haute dignité, magnanimité ou grandeur d'âme. D'une part Il vit trente ans de la vie cachée d'un pauvre ouvrier. Il dit qu'il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir; lorsqu'on veut le faire roi, il s'enfuit sur la montagne; il lave les pieds de ses disciples le jeudi Saint; il accepte pour nous les dernières humiliations de la Passion... Et d'autre part avec quelle magnanimité, dans cette même Passion, il proclame devant Pilate sa royauté universelle. Pilate lui dit : « Es-tu le roi des juifs ?... Qu'as-tu fait ?... » Jésus répond : « Mon royaume n'est pas de ce monde... » - « Tu es donc roi, » reprend Pilate. - « Tu le dis, je suis roi. Je suis né et venu au monde, pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute ma voix » Jean, XVIII, 33 ss. - Avec quelle simplicité et quelle grandeur, il répond à Caïphe qui l'adjure de dire s'il est le Fils de Dieu : « Tu l'as dit; de plus, je vous le dis, vous verrez désormais le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel ». Matth., XXVI, 64.
Cette simplicité de Jésus conciliait en elle l'humilité la plus profonde et la magnanimité la plus haute, et lui le plus humble des hommes fut condamné pour un prétendu crime de blasphème et d'orgueil.
En lui de même, se concilient la plus parfaite douceur qui le fait prier pour ses bourreaux, et la force la plus héroïque dans le martyre, lorsqu'il est abandonné de son peuple et de presque tous ses disciples aux heures les plus douloureuses de la Passion et du crucifiement. Il y a dans cette simplicité une telle grandeur que le Centurion le voyant mourir ne put s'empêcher de glorifier Dieu et de dire : « Vraiment cet homme était un juste ».
La simplicité est grande et prodigieusement haute, lorsqu'elle concilie ainsi en elle les vertus en apparence les plus opposées. Elle est la plus haute expression du beau. Le beau en effet est une harmonie, la splendeur de l'unité dans la diversité; et plus la diversité est grande, plus en même temps l'unité est profonde, plus le beau est extraordinaire, et il mérite alors le nom de sublime. C'est vraiment l'image de la simplicité divine qui concilie en elle l'infinie sagesse et le bon plaisir le plus libre, comme aussi l'infinie Justice parfois inexorable, et l'infinie Miséricorde, toutes les énergies et toutes les tendresses de l'amour.
Et c'est pourquoi Dieu seul peut produire dans une âme cette très haute simplicité, image de la sienne. Notre tempérament est déterminé dans un sens, porté soit à l'indulgence, soit à la rigueur, ou encore soit aux grandes vues d'ensemble, soit aux détails des choses pratiques, mais pas aux deux en même temps; si donc une âme, avec une simplicité parfaite, pratique en même temps les vertus en apparence les plus opposées, c'est que le bon Dieu est très intimement en elle, et il la marque à son effigie.
C'est ce qu'a admirablement exprimé Bossuet dans le Discours sur l'Histoire universelle 2
e P., ch. 19 : « Qui n'admirerait la condescendance avec laquelle Jésus tempère la hauteur de sa doctrine ? C'est du lait pour les enfants, et tout ensemble du pain pour les forts. On le voit plein des secrets de Dieu, mais on voit qu'il n'en est pas étonné, comme les autres mortels à qui Dieu se communique; il en parle naturellement comme étant né dans ce secret et dans cette gloire, et ce qu'il a sans mesure (Joan., III, 34), il le répand avec mesure, afin que notre faiblesse le puisse porter ».
Pascal dans les Pensées exprime de même la simplicité de Jésus, image très pure de celle de Dieu « Jésus-Christ, sans biens, (sans fortune), sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'invention, il n'a point régné : mais il a été humble, patient, saint, saint à Dieu, sans aucun péché. Oh ! qu'il est venu en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la Sagesse !... Jamais homme n'a eu tant d'éclat, jamais homme n'a eu plus d'ignominie... Qui a appris aux Évangélistes les qualités d'une âme parfaitement héroïque, pour la peindre si parfaitement en Jésus-Christ ? Pourquoi le font-ils faible dans son agonie ? Ne savent-ils pas peindre une mort constante ? Oui, sans doute; car le même saint Luc peint celle de saint Étienne plus forte que celle de Jésus-Christ. Ils le font donc capable de crainte avant que la nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite, tout fort. Mais quand ils le font si troublé, c'est quand il se trouble lui-même (quand il veut connaître l'écrasement et l'angoisse pour souffrir jusque-là pour nous) et quand les hommes le troublent, il est tout fort », de la force même qui les sauve.
La simplicité de Jésus, image très pure de celle de Dieu, apparaît dans toute sa vie. Comme le remarque le Père Grou : « Il est impossible de dire des choses si hautes et si divines d'une manière plus simple. Les prophètes paraissent étonnés et frappés des grandes vérités qu'ils annoncent... Jésus se possède en parlant parce qu'il tire tout de son fonds... ; le trésor de ses connaissances est en lui-même, et il ne l'épuise point en le communiquant ». (L'intérieur de Jésus, ch. XXIX.)
Nous pouvons ainsi soupçonner quelque chose de la simplicité de Dieu, de la simplicité de son être, de sa pensée, de son amour, simplicité qui unit dans son éminence les attributs en apparence les plus opposés comme Justice et Miséricorde, qui les unit sans les détruire, mais au contraire les contient à l'état pur, sans aucune imperfection, ni atténuation. C'est cette simplicité qu'il nous sera donné de voir dans la vie éternelle, si nous nous rapprochons d'elle chaque jour un peu plus, par la simplicité du cœur, sans laquelle il ne saurait y avoir aucune contemplation de Dieu ni aucun amour véritable.